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radiOthello


didascalies


De « la tragédie d’Othello » à « radiOthello »


radiOthello a pour thème la production d’une pièce de théâtre qui est “une version radiophonique sur scène de l’Othello de William Shakespeare”.

L’ensemble des notes et réflexions qui suivent constituent ma lecture personnelle de « la tragédie d’Othello ». Cette lecture est à la base d'une adaptation que j'ai fait de cette œuvre. Ces notes peuvent aussi être perçues comme une sorte de "manuel" du travail que je prétend mettre en place.

Manuel est – en même temps – le titre d’un work in progress qui comporte plusieurs volets sur lequel je travaille depuis plusieurs années. Je ne sais pas dans quelle mesure les deux choses sont liées.

Les interprétations et postulats sur la pièce Othello, ainsi que sur les personnages qui la composent, aussi bien que sur toute l’œuvre de William Shakespeare et toutes autres référées sont, il va de soi, absolument subjectifs et le fait de les faire connaître a pour objectif faciliter le travail de mise en scène de radiOthello.



Préface


Othello « mal (d)écrit » – Othello comme thème et comme thème de réflexion – La condition d’étranger – Hamlet Maschine : Une façon de « régler des comptes » – L’auteur, la voix de ceux qui n’en ont pas – La perception, les codes, la perception de l’autre – Wittgenstein, Quine – Le fond et la forme – La spécificité, la frontière – Montrer ce qui n’est pas fait pour être vu…


Notes pour la mise en scène


Préface

Aucune de mes pièces, jusqu’à celle-ci, n’a eu droit à une préface. Et le terme est bien choisi, car ces quelques pistes, se veulent une didascalie, une sorte de mode d’emploi avant de « donner la face ». J’espère que ces réflexions s’avèrent utiles pour tous ceux qui participeront dans la pièce.

La préparation de radiOthello a été longue. Et variée. La tragédie d’Othello occupe depuis très longtemps une place significative dans le « panthéon des références majeures » qui je porte comme une valise inséparable, comme un appendice.

Les liaisons établies entre cette œuvre et d’autres aspects particulièrement sensibles à mes intérêts et mon travail sont très nombreuses. Des sujets aussi variés que l’autre, l’étrange(r), la (in)communication et le qui pro quo, la perception, les valeurs, les comptes à rendre, la subtile frontière qui sépare parfois ce qui nous est propre de ce qui est acquis, l’ontologique du culturel, ce qui est et ce qui paraît.

Dans la chronologie de mes œuvres radiOthello se situe juste après Actueur, trois petits textes de « ni théâtre » avec lesquels j’ai fermé, pour ainsi dire, le cycle de mon écriture théâtrale. En effet, actueur, comportant autant acteur que tueur, venait en quelque sorte en finir avec mes pièces, ac-tuant la propre écriture théâtrale. De cette façon, du point de vue strictement littéraire, l’écriture de radiOthello pour moi devait prendre forme a posteriori et de façon non conventionnelle. La solution trouvée fut de recourir à des logiciels de captation, reconnaissance et transcription de la voix, pour créer le « texte littéraire définitif » à partir de la somme des interprétations – humaines, machines et encore humaine – et ainsi parvenir au « texte radiOthello », qui sera un objet littéraire en soi – théâtral certes, mais pas dans le sens technique du mot – très insuffisant pour aider à mettre en scène la pièce. De là aussi la nécessité de ce pre-texte didascalique.


Othello « mal (d)écrit » – Othello comme thème et comme thème de réflexion – La condition d’étranger – Hamlet Maschine : Une façon de « régler des comptes » – L’auteur, la voix de ceux qui n’en ont pas – La perception, les codes, la perception de l’autre – Wittgenstein, Quine – Le fond et la forme – La spécificité, la frontière – Montrer ce qui n’est pas fait pour être vu…


Depuis mon adolescence, de toutes les pièces de Shakespeare celle qui m’a le plus intrigué a été Othello. Cela peut paraître prétentieux, mais pendant très longtemps ce personnage était à mes yeux le seul que le grand Willy avait décidément «mal écrit», raté. Dans ma lecture, certainement trop naïve, les manipulations de Iago ne suffisaient pas pour transformer le doux et aimant Maure du premier acte dans le sinistre et aveugle jaloux du cinquième. De tout point de vue je trouvais ça trop improbable. Relire, voir et revoir la pièce n’a fait qu’augmenter cette sensation au cours de plusieurs années. Je gardais l’impression que c’était le rôle de Iago qui s’imposait ; suspicieusement toujours «bien joué» ou du moins «mieux joué», car mieux dessiné que le rôle titre.


Il m’a été nécessaire d’aborder le texte plus tard, ajoutant une quantité d’éléments qui – peut-être parce qu’ils font partie des sujets qui me tiennent à cœur – m’ont ouvert les portes à la compréhension de divers aspects qui m’avaient échappé auparavant. Peut-être pour ne pas avoir compris tout de suite la portée des thèmes et les ramifications de la pièce, cette redécouverte d’Othello a pris une dimension inattendue et s’est transformée dans une sorte de dialogue interne, d’exercice critique miroitant, dans lequel j’ai pu réfléchir et approfondir une quantité de thèmes qui sont au centre de mon travail. Ainsi est apparue la nécessité de bâtir une de mes œuvres à partir d’Othello.


De là le fait de dire que radiOthello navigue dans les eaux de la re-création. Car les divers aspects qui composaient l’œuvre que je commençais à élaborer touchaient à une certaine idée du théâtre et de la littérature, au transfert du théâtre – scénique et écrit – sur d’autres média tout en passant par des aspects proches de la mise en scène, mais aussi par une vision critique particulière de la pièce shakespearienne, ainsi que certaines lectures d’aspects sociaux et techniques du temps que nous vivons.


Othello est un maure à Venise. C’est à dire un uruguayen à Paris, un parisien à Lisbonne, un lisboète à Berlin. L’étranger que je suis.

Le thème de l’étranger est central dans la tragédie de sir William : Othello est à la fois un général reconnu et admiré par Venise et un étranger barbare qui ne connaît pas à fond les codes ni les subtilités des mœurs de ses habitants. Qui sait, peut être il ne les comprend tout simplement pas.

Il s’agit là d’un sujet infini et qui touche de plus en plus de monde : De nos jours, le flux migratoire est massif et croît de façon exponentielle. Ce sont des millions et millions les personnes qui s’établissent ailleurs du lieu de leur naissance, parfois vivant en plusieurs endroits en même temps, ayant des origines de plus en plus diverses, et mélangées. On est arrivé à un point tel, que le mot « déraciné » ne fait pas beaucoup de sens dans un nombre de plus en plus croissant de cas. Dans notre petite planète, notions comme « nationalité » et « appartenance » se diluent de jour en jour.


Mais la mobilité et la quantité grandissantes des déplacements a aussi généré des phénomènes et des situations traumatiques et tragiques qui se produisent sans cesse dans une part non négligeable de notre planète. Et qui touchent à une quantité certainement plus élevée d’êtres humains que ceux qui se déplacent sans contraintes. Plusieurs millions d’êtres humains des plus diverses populations et ethnies se retrouvent sans « papiers » ni « nationalité » précise, devenant illisibles selon les critères des pays industrialisés et riches, qui les (dé)considèrent tout au plus comme des parias, devenant des êtres humains de deuxième catégorie, qui se retrouvent « totalement bloqués. Dans l’impossibilité d’avancer ou de reculer, de vivre dignement sur place dans un pays qui ne peut et ne veut pas les accueillir ».


Faisant – a contrario – partie d’une élite, la tragédie d’Othello, le général maure au service de la puissante Venise, ne fait qu’augmenter celle des plus faibles : si un privilégié comme lui peut sombrer dans le cauchemar de l’incompréhension la plus totale à quoi peuvent s’attendre les autres, simples étrangers démunis de statut ? Espérons qu’une conscience plus claire de ces faits éloigne de plus en plus les frontières qui séparent et divisent les êtres humains entre eux.


Tout comme Hamlet tourne au tour du fantasme du père, Othello butte contre le mur qui sépare les cultures. Je me suis inspiré dans l’exemple donné par Heiner Müller et la façon et les méthodes qu’il a utilisé pour retravailler autour de cette autre grande tragédie.


Dans « Hamlet-Maschine » Heiner Müller règle ses comptes avec son père. Pour ce qui est du règlement de comptes le mien est, ça va de soi, avec la condition d’étranger. De tous ceux qui se sentent partout (dé ?)considérés étrangers. Ceux à qui on fait ressentir, souvent même sans le vouloir, qu’ils n’appartient pas tout à fait au lieu là où ils sont ni non plus au lieu où ils sont nés. Cette perte d’appartenance du lieu de leur naissance doublée du fait de ne pas être considéré membre à part entière de la terre d’accueil, en dernière instance n’est certainement pas trop différente du sentiment d’un fils qui a été rejeté. Il est encore de la famille, certes, mais il est différent. Il n’est pas comme les autres. Et bien évidemment, ailleurs non plus, il n’est jamais absolument intégré. Il y a toujours un accent, la peau d’un autre teint, d’autres rituels, goûts, habitudes, mœurs, une autre vision des choses.


Un autre aspect présent dans le « Hamlet-Maschine » de Müller est celui du statut d’« auteur ». De nos jours un tel statut ne permettrait pas d’écrire un « Hamlet » tout court. Il faut « aller plus loin  ». Ainsi Müller nous livre une (re)lecture très pertinente de l’actualité à la fin de la guerre froide, mettant en évidence les parallèles existants entre les « grands mécanismes » qui réglementaient la société au temps élisabéthain et au temps des deux Allemagnes et du bloc socialiste. Car « Hamlet Maschine » est aussi, en quelque sorte « En attendant Fortimbras ».


L’une des fonctions de l’écrivain – si est-ce qu’un écrivain en a – peut être celle de prêter sa voix à ceux qui n’ont pas. J’ai voulu donner cette voix surtout aux étrangers, à celui qui est mis de coté quand on dit nous. Mes textes s’occupant souvent des étrangers – ceci dit avec les acceptions plus polysémiques avec lesquelles on peut charger ce mot – l’idée de radiOthello me semble particulièrement appropriée pour véhiculer cette fonction.


Parler des variations à l’origine de la différentiation entre « nous » et « eux » implique plonger dans le terrain de l’origine et de la différentiation. Et du langage. Il ne s’agit pas là d’un jeu de mots. On peut se dire que nous sommes dans un cercle comme celui de l’œuf et la poule ; mais à bien y voir, la chose fonctionne plutôt comme la roue qui fait courir le hamster : Il suffit d’enlever l’axe qui retient la roue au mécanisme et nous avançons sans contraintes. Et tout devient plus clair.


L’idée d’avoir recours à certains aspects de la philosophie analytique pour s’attaquer aux questions des codes, de la perception et de la perception d’autrui me semble la plus adaptée à cette fonction. Les soliloques du comédien qui joue le rôle du comédien qui joue Othello – parfois empruntés directement à Wittgenstein ou Quine, parfois retravaillés à partir de leurs textes – sont assez expressifs de cette option. Les idées de Wittgenstein et Quine quant aux questions liées à la logique et la compréhension des mécanismes de la pensée avec et à travers leur langage spécifique conduisent directement aux terrains de l’origine et de la différentiation.


On ferme ainsi le cercle tandis qu’on continue à avancer : pour le dire avec les mots de Quine « on commence toujours par le milieu. Nos premiers concepts sont toujours des concepts d’objets de dimension moyenne, situés à moyenne distance et notre accession à ces concepts et à tout autre chose survient à mi-chemin dans l’évolution culturelle de notre espèce  ».


Un autre cercle, celui-ci présent dans toute la création artistique, est celui du fond et la forme, toujours inséparablement inter-liés. « radiOthello » explicite le thème à plusieurs niveaux. Comportant le transfert de la pièce Shakespearienne sur d’autres média, « radiOthello » d’une part donne à voir ce qui est supposé ne pas être vu : un programme de radio théâtre. Un des aspects essentiels est donc celui de construire, en même temps que la pièce scénique, une version audio, un programme radiophonique, destiné « seulement à être entendu ». L’utilisation d’un support audio, au passage, souligne la tendance à revenir vers une nouvelle forme d’oralité qui en résulte des possibilités qu’offrent les nouvelles technologies de notre époque de fixer et stocker de l’information et du texte de façon non écrite.


Du point de vue littéraire, l’idée que « l’écriture » de radiOthello soit le résultat final de la production s’inscrit dans la plus pure tradition du théâtre élisabéthain, mais pas seulement. Je cherche à produire un résultat littéraire différencié qui ne soit pas conçu comme la partition de ce qui a été monté, vu et entendu sur scène, sinon un résultat créatif, un peu ludique certes, mais qui ouvre les portes à de nouvelles interprétations, lectures, approches… Cette écriture se fera à travers un logiciel de captation et reconnaissance de la voix qui sera transcrit à sa fois par un logiciel d’écriture. Bien que retouché, le texte final suffira difficilement à lui seul à remonter une nouvelle mise en scène de la pièce ; et toute éventuelle production future de radiOthello – que j’espère et rêve nombreuses, au point de transformer la pièce en un classique – devront se baser, autre dans le texte, dans les enregistrements audio et vidéo des productions antérieures.



Notes pour la mise en scène


D’abord il y a deux degrés de distribution évidents : D’une part ceux de « la tragédie d’Othello » (c’est-à-dire de la « version radiophonique » qui se déroule dans la pièce), et de l’autre ceux de « la compagnie » qui produit cette pièce radiophonique.


La « structure » de notre compagnie de radio théâtre est la suivante :

- La directrice de la compagnie, qui est aussi la propriétaire de la station de radio – Emilia

- Le comédien étranger – Othello

- Le premier comédien – Iago.

- La première comédienne – Desdemona

- le comédien joker, celui qui « change de voix » et joue tous les rôles – Roderigo, Barbantio, Doge, Ludovico, Montano, etc,

- le jeune comédien « volontarieux » – Cassio, etc,

- la jeune comédienne – Bianca

- la technicienne de son – Roderigo

- le foley (bruiteur)

- le DJ

- le nettoyeur

etc.

La distribution lors de la création :

William Nadylam – Othello – Le comédien étranger

Léopold von Verschuer – Iago – Le premier comédien

Silke Geertz – Desdemona – Première comédienne

Adrian Furrer – Joker, comédien qui joue plusieurs rôles

Christoph Rath – Cassio – jeune comédien (avec volonté de premier)

Réné Schnoz – Bruiteur / Netoyeur / Acteur occasionel

Silke Buchholz / Marianne Hamre – Emilie – proprietaire de la radio

Marianne Hamre / Silke Buchholz – Bianca – jeune comédienne

Susanne Affolter – Tecnicienne de la radio / DJ


Dans « radiOthello » le rôle qu’on joue change. Orbitant autour de l’Othello de William Shakespeare, les relations entre l’équipe de comédiens de la station de radio qu’on met en scène peuvent-être lues de façon très dynamique. Ainsi, pour donner un exemple, l’acteur qui joue Othello peut, par moments, être pris par Cassio, pour plus tard, selon les circonstances, devenir en quelque sorte Desdémone.


Si bien que d’une certaine façon il s’agit là d’une idée déjà expérimentée plusieurs fois dans le théâtre contemporain, dans radiOthello elle acquiert une dimension particulière : il résulte évident et en même temps naturel le fait qu’on aperçoive les parallèles qui existent entre les participants dans « cette pièce radiophonique » les personnages de l’Othello de William Shakespeare.


On peut imaginer d’innombrables parallèles entre les actions de la tragédie élizabethaine et les situations qui se déroulent dans notre compagnie/station de radio : on peut facilement imaginer que, par exemple, le rêve du bruiteur et de la technicienne de son de devenir eux-mêmes les propriétaires de la radio – rêve d’ailleurs alimenté par le premier comédien – n’est pas très loin du désir de Roderigo – alimenté par Iago – de posséder Desdemona.


A partir de là les possibilités qui s’ouvrent sont énormes, et les textes de départ – les pré-textes desquels font partie cette longue didascalie et les dialoques ci-joints – ne sont autre chose que le squelette de « radiOthello ». L’idéal étant qu’ils soient absolument ouverts à toute contribution et continuation. Pourquoi pas on line et ouvert à tous.


Une première synopse de radiOthello – ou une topo de la situation qu’on retrouve tout au début de la pièce – peut être la suivante :

La directrice annonce que la prochaine réalisation radiophonique de la station sera « la tragédie d’Othello ». Le maure Othello n’étant pas vénitien, le premier comédien apprend que ce ne sera pas lui qui jouera le rôle-titre. On engagera un étranger. Qui plus est, quelqu’un qui ne parle pas la langue. Et lui, il jouera Iago.


La situation du premier comédien se transforme ainsi dans celle de Iago : La propriétaire de la radio préfère un autre – un étranger – à lui, tout comme Othello préfère Cassio – un florentin, selon nous est dit – pour lieutenant.


Mais d’autre part Othello est incarné par le propre comédien engagé pour le jouer, car c’est lui l’étranger, celui qui ne connaît pas les mœurs, les codes, la langue et moins encore les nuances et rouages de tout ce nouvel environnement dans lequel il s’insère naïvement.


Pour souligner ce phénomène de la diversité des personnages othelliens présents à chaque moment peut-être faut-il expliciter l’intention non dite du propre comédien : c’est-à-dire, imaginons que dans la scène I acte I, c’est le bruiteur/nettoyeur/acteur occasionnel qui joue le rôle de Roderigo et parle à Iago. Il pourra intérieurement s’adresser à lui comme si, pour lui, il représentait en ce moment un autre personnage.


Pendant la préparation de la pièce et les répétitions il est possible de chercher à établir qui parle depuis quel personnage et à quel autre personnage : c’est-à-dire, par exemple, si celle qui parle est la comédienne qui joue la directrice de la radio – qui à son tour joue Emilia – à tel moment, tout en se dirigeant au comédien qui joue le comédien qui joue Cassio, elle peut le faire comme si à ce moment précis elle était Othello qui parlait à Desdemona…


D’une certaine façon, on peut imaginer les personnages shakespeariens comme un ballon qui les comédiens de notre compagnie de radio théâtre feraient circuler entre eux.


Quand le comédien qui joue Cassio convainc Emilia – la propriétaire de la radio – qu’Iago va à quitter la radio (ou la compagnie, ce qui revient au même), c’est à dire en quelque sorte la trahir, à ce moment c’est Cassio qui se transforme symboliquement en Iago, et Iago en Desdemona.


Car la propriétaire de la radio est, d’une certaine façon Othello. Quand elle parle à Othello cela peut revenir à quand Othello parle à Iago dans la pièce de Shakespeare : Il y a un parallèle absolu dans la confiance ressentie par le chef dans son assistant dans les deux cas ; mais quand c’est la technicienne de la radio qui lui dit qu’il y a un problème technique qui requiert son engagement, elle peut être perçue plutôt en quelque sorte comme le Doge, car la technicienne la confronte à une crise qu’elle se doit de solutionner…


Ceci étant dit, si d’une part le comédien qui joue le comédien qui joue Othello peut être perçu, selon la situation, comme étant Bianca, Montano, Roderigo et encore Cassio, cela ne veut pas dire pour autant qu’il en est moins Othello. Othello, l’étranger, se trouve dans une situation qui le mène à s’interroger sur le langage, la relation intérieur-extérieur, la couleur, la perception avec un système pour le moins proche de la philosophie analytique. (En même temps, un langage de la philosophie analytique dans la bouche de cet étranger prend des allures d’une naïveté qu’on prête plutôt à un personnage comme Cassio.)


Mais bien évidemment par moments les choses aussi peuvent être simples et directes : par exemple au moment ou Othello et Desdemona s’expliquent devant Barbantio et le Doge dans le premier acte, ils peuvent simplement se prendre au jeu, s’éprendre l’un de l’autre et rester Desdemona et Othello.


C’est un clin d’œil au « destin » propre aux tragédies l’idée de varier légèrement la fonction « coryphéenne » d’Iago : Dans la pièce de Shakespeare il « annonce » l’action qui va suivre, dans la notre, simplement il « annonce » ce qu’il voudrait qu’il se produise. Mais comme il arrive plus souvent – même sur une scène – on planifie une chose et puis il en résulte une autre.


La multiplicité combinatoire « comédien / rôle » a des parallèles : Concernant le texte : texte shakespearien / texte radiOthéllien ; la vue : ce qu’ « on voit » / ce qu’« on ne voit pas » ; et aussi l’écoute : ce qu’« on entend » / ce qu’ « on n’entend pas ».


Car il suffit de peu – un geste de la technicienne, ou de quelqu’un d’autre – pour qu’ « on n’entende plus » ce que disent les comédiens. Pour ce qu’on voit c’est plus simple, car on est dans le domaine du théâtre radiophonique. Et dans le théâtre radiophonique, les tempêtes se font dans un verre d’eau.



Dossier radiOthello